Le Tapis de Babar
Tout un art
En commence la présentation de tapis de Babar par ce mot d'Armand MURIN,(Médecin de la région de Khenchela dans la période coloniale et Fils d’ancien Maire de Khenchela).
« Babar c’est un village avec un ouvroir où des jeunes filles fabriquant des tapis trop chers » Dr ARMAND MURIN 1978
Le tapis de Babar porte le même nom de la localité, démontre tout le génie de l’art populaire ancestral. Ce produit de l’artisanat traduit la créativité artistique de la tapisserie traditionnelle et la perpétuité du patrimoine conservé par les générations successives. Ce patrimoine matériel et inséparable de son aspect immatériel conservé par la tradition orale, alors que les motifs portent des significations riches en symboles Aurèssiens, des lances, des épées, des bijoux et autres signes porteurs de valeurs ancestrales authentiques. Le tapis de Babar est réalisé sur le métier à tisser traditionnel appelé "Seddaya" assorti de l’outillage comprenant essentiellement "Lekhlala" qui sert à démêler la trame, et d’autres instruments servant à peigner la laine et à la filer (Qerdache et Meghzel
Autrefois, la coloration de la laine était obtenue à partir de végétaux tels que le henné, l’écorce des racines du noyer, la peau du grenadier, des procédés conservés jalousement de père en fils et de mère en fille, depuis les temps les plus reculés. Les teinturiers se spécialisaient dans la coloration de la laine filée et offraient leurs services aux artisans à domicile et dans le souk. La croyance locale veut qu’une maison doit disposer de tapis pour être digne des ses propriétaires qui voient dans ces produits de l’artisanat, un signe d’aisance, de richesse et de bon goût. Selon une tradition établie, le tapis traditionnel a été introduit depuis l’arrivée des Béni Hillal en Afrique du Nord au Xe siècle, et sa réputation internationale qui as commencé dès 1925, Et la Poste Algériennes lui a rendu hommage en 1968 par l’émission tirée à 500 000 exemplaires d’un timbre intitulé Tapis de Nememchas.
Tissage de tapis
Le tapis et tissage de Babar restent dans une certaine richesse de styles dont la patine des temps n'altère en rien la beauté.
Il existe divers procédés pour la tonte de la laine: outils principaux. Les ciseaux ou les forces archaïques sont les exemples les plus usités pur ce gendre d'opération. Par exemple "mqaç. ajlam...". Mais la tonte se fait aussi à la faucille. Nommée communément: "Aslès, megaza ou mejza". Le couteau est aussi utilisé dans les régions les plus déshéritées, le "mouss" est généralement usité dans un cercle formé de tentes ("nezla") soit sur une aire bordée de pierres que l'on retrouve sur les steppes.
Quand l'hiver laisse enfin la place au printemps, la tonte intervient.
Ce sera donc vers les mois d'Avril ou de Mai que nous verrons gambader dans les étendues arides des haut-plateaux des troupeaux de moutons dénudés. Cependant la tonte peut avoir lieu en automne si les conditions climatiques le permettent.
En ce qui concerne les agneaux, le tondeur "rezzaz" est souvent secondé par le propriétaire et les voisins dans une sorte de rituel annuel sans cesse répété depuis des centaines d'années. Il est à noter que ces tontes ont depuis peu laissé la place à un matériel électrique qui permet de gagner du temps tout en permettant la tonte de troupeaux qui grandissent d'années en années. La laine est aussi fournie par les chèvres et les dromadaires pour les tissages de Barnous, de tapis, tentes... etc.
Teinture
La teinture se faisait souvent d'une manière traditionnelle à la maison ou par l'entremise de teinturiers ambulants.
Les grandes villes possèdent quand même des boutiques de teinturiers. La méthode la plus prisée fait appel aujourd'hui aux colorants chimiques au lieu des anciennes teintures végétales et animales plus naturelles, toutefois très difficiles à employer avec une efficacité toute relative car peu résistantes aux épreuves du temps.
Mais, il est toujours intéressant de parcourir les teintures naturelles comme la garance (plante des oasis), la cochenille, la laque (coques résineuses d'un brun foncé), le kérmes (insecte proche de la cochenille), la centaurée acaule. l'algaric. la gaude. le daphné (buisson touffu), le thé (pour la couleur jaune), l'indigo (bleu), le hénné (pour l'orangé), l'écorce de grenade (marron). le noyer (aussi pour le marron). l'orcanette (vert) ou bien l'ocre.
Ces matières ne se fixent pas aisément sur la laine, il est donc utile de faire réagir la laine par ce qu'on appelle le "mordançage". Les mordants sont des sels métalliques (alun. aluminium, sulfate de cuivre. sulfate de fer, fer, étain etc...) Ces matières chimiques ont la magique propriété de se combiner à la fibre d'une manière irréversible. résistante de ce fait à l'eau du lavage.
Les tisseuses teignaient elles-mêmes la laine en la plongeant dans des chaudrons de cuivre dont la capacité allait de dix à quinze litres, chauffés sur un feu de bois. La laine était plongée dans de l'eau bouillante dans laquelle on ajoutait de l'alun, pendant une ou deux heures les tisseuses remuaient la laine à l'aide d'un bâton. La laine était ensuite retirée puis rincée à grande eau. Le bain de teinture (macéré auparavant) était préparé pour accueillir la laine lavée dans cette teinte qui va être portée aussi à ébullition. La laine sera rincée une dernière fois puis mise à sécher.
Une fois la laine teinte et séchée. on procède à la fabrication proprement dite des tapis, cette dernière se fait à l'aide de différents métiers à tisser.
Rappelons enfin que le tapis de Babar a été et reste un ambassadeur primé dans d’innombrables salons artisanaux en Algérie et au-delà de ses frontières : Foires de Leipzig en Allemagne, et exposé dans des musées à New York, Paris, Dubaï et dans d’autres capitales.
Aujourd’hui, il y a des pseudo-tisserands qui nous font une déloyale concurrence. Ils achètent le tapis de chez d’authentiques tisserandes pour l’écouler sur le marché. C’est nous qui détenons le label du tapis de Babar. Personne ne peut le contester »
Toutefois, un tapis de pure laine peut coûter jusqu’à 200 000 DA, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde. Tout comme pour les autres métiers, le métier de tapissier mérite d’être soutenu par les pouvoirs publics pour sauvegarder un pan important de notre patrimoine artisanal.
Même si une coopérative municipale emploie près d’une quarantaine de jeunes femmes dans le cadre du filet social, et qui se relaient derrière une dizaine de métiers à tisser, ce groupe est encadré par un couple de maîtres tisserands, issu d’une lignée d’artisans connus dans toute la région pour la qualité de ses produits. La production actuelle est limitée à une dizaine de tapis par an à cause des problèmes de leur coût élevé et donc de leur commercialisation, alors que à l’époque, cette coopérative produisait jusqu’à 600 m2 par an, soit une centaine de tapis qui trouvaient preneurs même à l’étranger. Il insistera encore sur la nécessité de promouvoir ce noble produit artisanal qui constitue un patrimoine culturel national et un symbole de la région.
Un musée du tapis sera prochainement réalisé à Babar, a indiqué le président de l’assemblée populaire communale. Une enveloppe de 60 millions DA a été mobilisée pour la construction de ce musée qui comptera également un atelier de restauration des vieux de tapis dont la mission sera de sauvegarder les vieux modèles en les réhabilitant et reproduisant, selon la direction de la culture. Selon la même source, le ministère de la Culture accorde un intérêt particulier à la protection du tapis de Babar dans le cadre de la stratégie national de revalorisation du patrimoine nationale matériel et immatériel. Le musée conservera notamment plusieurs modèles de tapis de différentes tailles et époques ainsi que les matériaux de base utilisés traditionnellement pour le tissage des tapis (fil, laine, outils, colorant). Il consacrera également des portraits aux familles ayant depuis toujours conservé et transmis les arcanes de ce métier séculaire. Le futur musée disposera de plusieurs salles et ateliers, et offrira aux artisans un espace de rencontre et d’échange. Le centre de tapis de la même localité qui emploie plusieurs artisans, connaît en outre des travaux de requalification selon une étude réalisée par les services de la culture, a encore indiqué le président de l’APC.
Le musée des arts et traditions populaires d’Alger conserve à ce jour un tapis de Babar datant de 1924, selon ce même responsable, qui affirme que des modèles de ce tapis figurent également dans les collections de plusieurs musées de France, dont celui du Louvre à Paris.
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